lundi 20 août 2007

Note de lecture : The Genocide Convention – An International Law Analysis



Pour qui dispose du temps (et des connaissances en anglais) pour se plonger dans la lecture de l’ouvrage de John Quigley, l’exercice est passionnant.

The Genocide Convention, malgré un début peut-être un peu lent, entraîne le lecteur dans les méandres de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948. Près de 60 ans après son adoption, cette courte convention (à peine neuf articles de substance) continue de poser des problèmes d’interprétation et d’application que la pratique des tribunaux nationaux et internationaux, peu à peu, tente de résoudre.

Qui n’a pas lu ou entendu dire que le 20è siècle avait produit trois ou quatre génocides ? Sont en général mentionnés les génocides des Arméniens, des Juifs et des Tutsis, avec comme variante celui des Bosniaques à Srebrenica, des Cambodgiens sous Pol Pot ou des Palestiniens à Sabra et Chattila. Cette tarte à la crème trop souvent servie ne fait toutefois pas justice à la notion de génocide.

John Quigley pose subtilement de nombreuses hypothèses qui démontrent que le génocide, le « crime des crimes », est probablement plus fréquemment commis qu’on ne l’imagine généralement. On pensera certes d’abord au génocide commis à large échelle. Mais Quigley aborde aussi la possibilité du génocide que peut commettre un simple individu, s’en prenant à quelques victimes, tout en ayant à l’esprit la volonté se faire disparaître un groupe de personnes particulier. The Genocide Convention aborde la possibilité du génocide commis par bombardement atomique, par attaques aériennes classiques, par la destruction de l’habitat d’un groupe protégé, par voie de purification ethnique.

Le génocide visant la destruction d’un groupe, qu’implique au demeurant cette destruction ? Pas nécessairement la mort de tous ou d’une grande partie des individus qui le composent. Faire disparaître ses opposants politiques peut-il donc être constitutif d’un génocide ? L’éradication de la classe dirigeante, de l’élite d’un groupe, suffit-elle ? Et au fait, que sont ces « groupes protégés » par la convention, et comment les définit-on ?

The Genocide Convention s’arrête évidemment aussi sur ce qui fait la spécificité du génocide : l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe protégé, en commettant un certain nombre d’actes constitutifs (meurtre, atteinte à l’intégrité physique, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction, etc.).

En 45 courts chapitres, John Quigley a commis un ouvrage précieux, au surplus agréable à lire, sans trop de technicité (tout de même un peu, c’est de droit dont il s’agit !). On regrettera peut-être que l’auteur laisse en définitive bon nombre des intelligentes questions qu’il pose ouvertes. Cela est toutefois le reflet de problèmes inhérents à la nature du crime de génocide, et à la définition que la convention de 1948 en donne.

Un obstacle tout de même : son prix, qui n’est pas à la portée de toutes les bourses.

John Quigley, The Genocide Convention – An International Law Analysis, Ashgate, Aldershot 2006, 284 pages, 55 £.

https://www.ashgate.com/shopping/title.asp?key1=&key2=&orig=
results&isbn=0%207546%204730%207

lundi 16 juillet 2007

Journée de la justice internationale: Darfour - Les massacres doivent cesser

En solidarité avec les victimes, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge

Genève, le 16 juillet 2007 – À l’occasion de la journée de la justice internationale, le 17 juillet 2007, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge. La Ville de Genève a ainsi répondu à une demande de l’association TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) visant à attirer l’attention de la population aux souffrances des populations civiles du Darfour et à exiger que justice soit rendue. Le Maire de Genève, Patrice Mugny, et le Président de l’association Sauver le Darfour, Mahor Chiche, se sont joints à cette action.

Mardi soir 17 juillet 2007, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge. Le Conseil administratif de la Ville de Genève l’a formellement sollicité auprès des Services industriels de Genève, qui ont accepté cette demande formulée à l’origine par l’association TRIAL. Durant quelques heures, le symbole le plus connu de Genève revêtira la couleur du sang qui coule encore au Darfour.

Solidarité avec les victimes : le jet d’eau de Genève illuminé en rouge

Pour Patrice Mugny, Maire de Genève, « l’illumination de cet important symbole de Genève, capitale des droits humains, est un geste fort pour marquer les consciences. Cette action doit permettre de briser le silence qui persiste autour du drame du Darfour. Il est à espérer que d’autres grandes villes européennes entreprendront des actions similaires ».

Comme l’a en effet rappelé Mahor Chiche, Président de Sauver le Darfour, « les bombardements de l’armée soudanaise sur le Darfour ont tout récemment repris. Le respect du droit international par le Soudan est impératif. Celui-ci doit appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Il faut maintenant mettre en vigueur une zone d’interdiction de vols par les avions du gouvernement soudanais au dessus du Darfour. » Pour M. Chiche, le travail de la justice internationale doit également être renforcé, afin que les auteurs d’atrocités sachent qu’ils devront rendre des comptes.

Mettre un terme à l’impunité : le Soudan doit coopérer avec la Cour pénale internationale

L’association TRIAL, qui lutte contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux (génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, etc.) a saisi l’occasion de la proximité avec la journée de la justice internationale pour s’adresser au Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Les 11 et 12 juillet 2007, le Comité des droits de l’homme examinait en effet le rapport périodique que lui a présenté le Soudan, sur la manière dont celui-ci met en œuvre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (aussi dit Pacte II).


Au début du mois de juillet, TRIAL a donc déposé auprès du Comité des droits de l’homme un mémorandum juridique priant ce dernier d’ordonner au Soudan de coopérer avec la Cour pénale internationale sur la base du Pacte II.


Une telle recommandation serait porteuse d’espoir pour l’avenir. Il faut rappeler pour l’heure que c’est sur la base la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité que la situation relative au Darfour a été déférée à la CPI. Or, le Soudan rejette cette résolution. Que le Comité des droits de l’homme souligne que le Soudan doit coopérer également sur la base d’un traité que cet Etat a lui-même ratifié serait donc d’une grande importance. Les recommandations du Comité des droits de l’homme sont attendues avant la fin du mois de juillet.


Pour Me Philip Grant, Président de TRIAL, « l’exigence de justice est fondamentale. L’impunité est aujourd’hui encore la règle ». Certes, la Cour pénale internationale a lancé deux mandats d’arrêt contre des auteurs présumés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre au Darfour (notamment pour meurtres, viols, tortures, pillage, etc.), Ali Kushayb et Ahmad Mohamed Harun. Mais ce dernier est actuellement le ministre en charge des affaires humanitaires. « Quel cynisme ! » a affirmé M. Grant. « L’action de la Cour pénale internationale doit absolument être soutenue et renforcée. A terme, plusieurs dizaines d’individus pourraient et devraient être inculpés. Ces inculpations sont nécessaires pour faire reculer le sentiment d’impunité et pour rendre justice aux victimes ».

Informer les victimes vivant en Suisse de leurs droits

Par ailleurs, TRIAL entreprendra prochainement un travail de sensibilisation à l’attention des victimes du conflit se trouvant en Suisse, afin d’expliquer les possibilités à leur disposition de s’adresser à la Cour pénale internationale, et de les aider dans leurs démarches.

Les victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide ont en effet non seulement la faculté de transmettre à la CPI des informations utiles aux enquêtes (preuves, témoignages) ; elles disposent également d’un droit de participer à la procédure, cas échéant de solliciter des réparations.

Pour TRIAL, il n’est pas non plus exclu que des poursuites pénales puissent être lancées en Suisse, dans l’hypothèse où l’un des responsables des atrocités commises au Darfour devait se trouver sur sol helvétique.

Pour plus de renseignements :

· www.trial-ch.org

· Philip Grant, Président de TRIAL : 076 455 21 21

· Mahor Chiche, Président de Sauver le Darfour : +33 6 50 84 02 24

mercredi 4 juillet 2007

Tribunal Spécial pour la Sierra Leone : quel bilan pour la justice internationale?

Par Sylvain Savolainen [1]

Le procès de l’ancien président du Libéria Charles Taylor s’est ouvert le 4 juin passé devant le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone, délocalisé pour ce cas à La Haye. Il s’agit à la fois du procès phare de cette cour et de son dernier. Créé en 2002 et prévu pour trois ans, le Tribunal Spécial mettra vraisemblablement huit ans pour juger neuf individus. Quel bilan se profile pour la justice internationale en Sierra Leone ?

Au matin du XXIème siècle, l’une des notions qui tend de plus en plus à s’imposer est celle du droit international. Du procès de Saddam Hussein aux Tribunaux Pénaux Internationaux pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda, de la Cour Pénale Internationale au prochain Tribunal Spécial pour le Liban qui jugera les responsables de l'assassinat de Rafic Hariri, bafoué, invoqué, le droit international moderne prend ses marques. Dans ce contexte, quel bilan peut-on dresser du laboratoire qu’incarne le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone ? Le nouveau « modèle » de justice que le Tribunal Spécial devait incarner a-t-il été respecté ?

Le « modèle » sierra léonais s’articulait ainsi : un mandat resserré dans le temps, fondé sur une stratégie de poursuites limitée ; rendre justice dans le pays où les crimes ont été commis et devant une juridiction mixte, composée à la fois de Sierra Léonais et d’internationaux, afin que son impact national soit fort ; un coût financier maîtrisé et reposant sur des contributions volontaires.

A ce jour, dix accusés, cinq ans de procédures, environ 140 millions de dollars dépensés, et un seul jugement rendu. Le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone [TSSL], qui lors de sa création était tant porteur d’espoir et de renouveau dans le paysage de la justice pénale internationale, suscite à présent certaines réserves. Renforçant une impression de troubles, au cours de l’année écoulée, Sam Hinga Norman, l’ancien ministre de l’intérieur de Sierra Leone et principal accusé dans le procès des Civil Defence Forces [CDF], est mort quelques jours à peine après un traitement médical effectué à Dakar. Quant au greffier M. Lovemore Munlo, son départ a été accueilli comme la solution à une crispation grandissante. Le contexte actuel semble sensible. Certes, côté réussite, l’arrestation de Charles Taylor au mois de mars 2006 et sa remise au Tribunal marque un succès indéniable. Le procès de l’ancien chef d’Etat représente dès lors une opportunité précieuse pour le Tribunal Spécial d’honorer les attentes à son égard.

Outre le jugement de Taylor, la question de l’avancée des procès des CDF, du Armed Forces Revolutionary Council [AFRC] et du Revolutionary United Front [RUF] se pose. Dans les cas des CDF, un jugement a été rendu le 20 juin passé. Pour celui du ARFC, l'accusation comme la défense ont achevé de présenter leurs témoins, le jugement est en délibéré Dans le cas du RUF, la défense commence à présent à mener ses témoins. Concernant la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal, le greffier par intérim M. Herman von Hebel annonce que ce sont sept ans de procédures au lieu de trois initialement prévues qui s’annoncent.

Les facteurs d’enlisement

A ce titre, aussi bien les contributeurs au financement de la Cour, les observateurs, que la population de Sierra Leone -et les familles des accusés- s’impatientent. L’institution et sa maîtrise des dossiers sont questionnées. Cas emblématique du Tribunal Spécial, le procès des trois accusés du RUF: Issa Sesay, Morris Kallon et Augustine Gbao. Le procès entamé en juillet 2004, ce n’est qu’à présent, soit trois ans après le début des audiences, que la défense commence à présenter ses témoins.

De manière générale, comment expliquer un tel retard dans les travaux TSSL ? Du côté du greffe, Herman von Hebel analyse « D’abord, les estimations de départ étaient irréelles ; la complexité des cas est très grande. Ensuite, le fait qu’une Chambre se penche sur deux cas en alternance a passablement ralenti les travaux. Une plus grande autorité des juges sur les différentes demandes des parties auraient pu accélérer les choses. Enfin, pour des procès du type de ceux que nous avons, avec un système de Common Law et le nombre de témoins que cela implique, les procédures deviennent extrêmement longues. Probablement qu’avec une plus grande utilisation de Droit civil, les procédures pourraient être en partie accélérées ».

Deux avocats de la défense, Clare Da Silva, ancienne avocate de Sam Hinga Norman au TSSL, et Wayne Jordash, avocat d’Issa Sesay, relèvent essentiellement d’autres aspects : « L’ampleur des actes d’accusation a été une erreur. Ils n’auraient pas dû être si larges. Inévitablement cela a engendré une surenchère de témoins et de procédures. Le procès RUF en est un bon exemple » commente Clare Da Silva. Wayne Jordash complète : « Je sais que l’on reproche à la défense des contre-interrogatoires systématiques et excessivement longs. Mais ce qu’implique l’acte d’accusation en termes de faits, de lieux, d’éclatement géographique, de cadre temporel est tout simplement colossal. Les chefs d’accusations et certains crimes reprochés sont par ailleurs vagues. Donc difficile à contrer ; ce qui génère une procédure toujours plus exigeante en termes de témoins, de faits reprochés, de preuves. Nous avions à ce titre demandé que les actes d’accusations soient resserrés ; cela a été refusé. Le résultat est une procédure sans fin. » Les deux avocats regrettent également le manque d’expérience généralisé au sein des différents organes du TSSL pour des procès et des crimes d’une telle envergure.

Enfin, dans son second rapport consacré au TSSL, le Centre d’Etudes des Crimes de Guerre de l’Université de Berkeley souligne que l’« on peut attribuer une partie des retards de procédures à l’attitude de la Chambre. Non pas tant en raison du manque d'intervention, mais plutôt par l'adoption de pratiques qui tendent à causer un retard procédural. . Cela notamment par l’habitude prise de rédiger une décision lors d’une audience publique (…) (parfois après avoir ajourné l’audience pour délibération de cette décision écrite). De demander aux témoins d’épeler les noms de personnes et de lieux, parfois à plusieurs reprises (en dépit de la disponibilité des transcriptions). De s'engager dans de longues discussions au sujet de détails de droit ou de langue employée par des avocats-conseils, détails qui ne sont pas directement liés au procès ou qui semblent se focaliser inutilement sur des sujets de moindre importance, ralentissant par là même la procédure. » [2] Le commentaire est cinglant, la critique non masquée. Abondant dans ce sens, les retards réguliers des juges aux audiences et certaines incompétences sont des reproches régulièrement formulés en aparté.

Nouvelles inculpations, fonctionnement et coûts

Emplois en jeu, une juridiction comme le TSSL est-elle une machine qui s’autogénère ? Herman von Hebel répond: « Est-ce que dans un cas comme celui de la Sierra Leone l’exercice d’une justice pénale internationale prend du temps ? Oui. Est-ce que cela à un certain coût ? Oui. Peut-on rendre une justice de qualité dans des délais et des coûts plus restreints ? Je ne pense pas. » Au niveau du budget, ce sont 89 millions de dollars qui sont prévus pour les années 2007 à 2009, repartis à raison de 64 millions pour Freetown et 25 millions pour le procès Taylor à La Haye. Au fur et à mesure des échéances, une réduction graduelle du personnel devrait être effectuée. A ce jour, le staff (306 employés dont 172 Sierra léonais qui occupent généralement des postes de faibles qualifications) représente 69% des coûts du TSSL.

Reste la question d’éventuelles nouvelles inculpations liées au procès de Charles Taylor. Robin Vincent, ancien greffier du TSSL, rappelait en avril 2006 qu’« il faut se souvenir que tant l’ancien procureur que son successeur à Freetown ont toujours dit qu’il pourrait y avoir un autre acte d’accusation. » [3] Il n’y en aura pas. La décision est confirmée tant par un proche du Tribunal -qui évoque notamment la pression des coûts qui aurait été décisive- que par le greffier par intérim lors d’une interview téléphonique. M. von Hebel réfute cependant les raisons financières. On peut en douter. La décision est néanmoins chargée de sens : sous menace d’asphyxie financière, la justice reste au garde à vous. Ibrahim Bah et Benjamin Yeaton apprécieront. Les deux « bras » de Charles Taylor, longtemps dans la ligne de mire du Tribunal, sont considérés comme les responsables du réseau financier et des opérations militaires de l’ancien Président. La décision sonne donc comme un abandon et un échec du Tribunal. D’autres, au contraire, y verront un sens des réalités et des responsabilités quant à la capacité réelle du TSSL à mener à leur terme des procès dans des délais raisonnables.

Toutefois, pour rappel, la résolution 1315 du 14 août 2000 du Conseil de Sécurité qui a permis la création du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone signalait: « que la communauté internationale ne ménagera aucun effort pour ceux qui commettent ou autorisent la commission de graves violations du droit international humanitaire soient jugés conformément aux normes internationales de justice »[4]. L’intention semblait claire. S’il est en effet difficile de récuser la nécessité d'un budget maîtrisé, quel est cependant le financement accordé à la justice internationale comparé à celui de la guerre ?

Le test : empreinte et analyse d’un modèle

A travers ce débat, c’est en fait la question du modèle de justice qui est posée. Lors de sa création, le TSSL devait incarner un nouveau modèle de justice pénale internationale. Après cinq ans d’exercice, quel bilan ? Un employé du Tribunal analyse « Parmi les succès acquis, l’arrestation des accusés et de Taylor évidemment. Cela crée un précédent fort dans la lutte contre l’impunité en Afrique. Reste à connaître les jugements bien sûr. Ensuite, le programme d’information et de sensibilisation du Tribunal (outreach programme) destiné à la population locale est unanimement reconnu. Par ailleurs, s’il est vrai que Charles Taylor va être jugé à La Haye, sur dix procès, neuf se seront déroulés en Sierra Leone ; la justice in situ aura été respectée, c’est également un progrès. Au registre des critiques, je dirais qu’elles reposent principalement sur des cas manifestes d’incompétence couplés à une inertie administrative. Enfin, depuis l’arrivée du TSSL, aucun effort n’aura été effectué pour faire évoluer les juridictions locales. On pourra rétorquer que tel n’était pas le mandat ; cela néanmoins laisse perplexe.»

Au chapitre de la juridiction mixte, selon les statuts du TSSL, le procureur adjoint doit être sierra léonais. Depuis la création du Tribunal, trois procureurs ont été nommés, deux procureurs adjoints –dont Desmond da Silva devenu procureur-, trois chefs de l’accusation, deux chefs des enquêtes, trois chefs de la direction juridique. Sur ces treize postes clés : sept Américains, deux Anglais, deux Canadiens, un Australien et…. pas un seul Sierra léonais. Sur cette entorse aux statuts, le greffier par intérim répond « Je ne peux que constater le fait. Je ne pense pas que ce soit correct vis-à-vis de la Sierra Leone. » Comme d’autres avocats, Clare da Silva et Wayne Jordash dénoncent d’autres déficiences. Accusé de pénaliser une justice de qualité, le Bureau de la Défense est mis à l’index. Entre autres exemples, l’avocat d’Issa Sesay relève : « Mon bureau est un local de 8m2 ; nous sommes parfois cinq dedans. Mon équipe et moi avons un seul ordinateur que nous devons nous partager. J’ai demandé un bureau plus grand ainsi qu’un un autre ordinateur. Le Bureau de la Défense me l’a refusé. Non pas pour des raisons budgétaires mais sur le principe même de ma demande. La disproportion est incroyable ; comparée aux moyens mis à disposition de l’accusation, c’est tout simplement choquant. »

Un rapport sur le fonctionnement du TSSL a été commandé par le Management Committee au Juge Antonio Cassese. De sources du Tribunal, rien d’explosif dans ce rapport. Ceci étant, six mois après sa reddition, il n’a toujours pas été rendu public.

Reste la question de l’empreinte concrète et durable de la justice en Sierra Leone. Il est clair que rien n’a été entrepris à ce jour par le TSSL pour influer sur le système judiciaire sierra léonais, gangrené par ses insuffisances et sa corruption. Pour y remédier, différents projets de legacy sont prévus. Il est prévu que le juge Benjamin Itoe qui siège à la Chambre I du Tribunal les supervise. Concrètement, les plans restent très vagues. Les plupart des financements ne sont pas garantis, les objectifs précis ne sont pas encore définis, ni d’ailleurs les méthodes d’évaluation et les critères d’efficacité.

Peut-on dès lors considérer que le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone est en phase d’accomplir un bilan honorable? Probablement. L’un des accomplissements premiers et implicites du TSSL aura été de contribuer à développer la notion de justice internationale. Cela n’élude pas pour autant la question des compétences et des précautions à prendre pour éviter une justice accordant la plupart de ses moyens à l’accusation et minorant la défense. Autre point au crédit du Tribunal, les accusés sont de taille : un ancien chef d’Etat et un ministre de l’intérieur entre autres. En revanche, le fait que les responsabilités financières n’aient pas été poursuivies, alors que le conflit de Sierra Leone a essentiellement tourné autour des diamants, est à déplorer amèrement.

Quant au « modèle de justice sierra léonais », des entorses non négligeables ont été commises. En termes de délais et de coûts, si la stratégie d’achèvement des travaux est respectée, les excès seront probablement pardonnés. Le TSSL aura réalisé son mandat en sept ans et coûté bien moins cher que le TPIR ou le TPIY. C’est sur le plan de l’engagement pris vis-à-vis de la Sierra Leone, que les critiques les plus acerbes pourraient être portées. Que Charles Taylor soit jugé à La Haye et non à Freetowm, comme prévu, peut se justifier. Le fait qu’une juridiction pénale internationale décide d’évacuer un puissant chef de guerre du terrain encore tiède des combats afin d’éviter la déstabilisation d’une région, peut se comprendre et pourrait se reproduire à l’avenir. En revanche, quelle va être la contribution tangible du TSSL sur le développement du système judiciaire national ?

Juridictions locales : abus et criminalisation de la pauvreté

La résolution 1315 du 14 août 2000 du Conseil de Sécurité a permis la création du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone. Celle-ci souligne le besoin de « créer un tribunal fort et crédible qui permettrait de répondre aux objectifs de justice et du rétablissement d’une paix durable »[5]. Clairement rendre justice représente donc un élément fondamental dans la recherche de la paix en Sierra Leone. Alors que le mandat de Tribunal Spécial se cantonne à « ceux qui portent la responsabilité la plus lourde des crimes », les procès de quelques responsables par un tribunal pénal international peuvent difficilement être, à eux seuls, les garants d’une paix durable reposant sur la notion de justice. La nécessité d’un certain impact sur le système judiciaire local doit se faire sentir afin de garantir une justice pour tous, accessible et impartiale. Selon les déclarations maintes fois répétées du président Ahmad Tejan Kabbah, comme selon les recommandations du Conseil de Sécurité de l’ONU, la paix en Sierra Leone est à ce prix.

C’est à ce titre, que l’intérêt du TSSL doit représenter plus qu'une justice abstraite destinée à la communauté internationale. Ce dernier est également censé signifier une justice ayant un impact réel et tangible sur la vie quotidienne de la population. Pourtant, à ce jour, l’effet des vases communicants qui aurait voulu que la présence du Tribunal Spécial ait un impact positif sur les tribunaux locaux est nul.

En 2000, plus de 200 combattants présumés du RUF et des West Side Boys [6] furent arrêtés et détenus à la prison de haute sécurité de Pademba Road à Freetown -à quelques centaines de mètres à peine du Tribunal Spécial- sur la base d’accusations de meurtre et de fusillade avec intention de tuer ou de blesser. Les procès n’ont commencé qu’en 2005 et les accusés n’ont pas eu de représentation légale pendant plus de quatre ans.

Clare da Silva relève également : « La détention et les procès de centaines d'anciens combattants de RUF, arrêtés à la même période, ont été caractérisés de 2000 à 2006 par de graves abus. Ces anciens combattants ont été détenus pendant longtemps sans acte d'inculpation, ils n'ont pas bénéficié d'une défense adéquate, ils ont été contraints par la force à signer des déclarations à charge et ont été victimes de violences physiques entraînant parfois la mort. Ces anciens rebelles sans grade, dont des enfants soldats, ont été soumis à la condamnation à mort et à l'absence de toute garantie judiciaire, ou si peu ». [7]

Par ailleurs, neuf anciens membres du RUF et du AFRC, ainsi qu’un un civil, ont été condamnés à la mort pour trahison en décembre 2004. La sentence est tombée quelques semaines après que la Commission Vérité et Réconciliation ait recommandé que le gouvernement suppriment la peine de mort. Une recommandation ignorée de manière flagrante par les juridictions locales. Un appel déposé en 2005 doit être considéré ; rien ni aucune volonté n’indique que l’appel sera prochainement traité.

Clare da Silva, qui salue la tenue du procès de Charles Taylor, souligne cependant: « En l'absence d'impulsion et d'engagement du gouvernement Kabbah, le changement du système judiciaire en Sierra Leone est excessivement lent à venir. Les procédures en appel ne peuvent aller de l'avant car il n'y a pas de papier pour établir les procès-verbaux d'audience. Comme il n'y a pas de système de classement et d'archivage organisé, trouver un dossier peut prendre des mois, voire des années. Les employés de la prison et du tribunal à Freetown semblent motivés par les pots-de-vin et pas par grand-chose d'autre. Derrière les barreaux de la prison de Pademba Road, des détenus purgent des peines de quatre à cinq ans de prison parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer une amende de 150 dollars. Cela n'a rien à voir avec la justice. Cela s'appelle criminaliser la pauvreté ». [8]

La Sierra Leone sera-t-elle un moyen ou un but pour la caravane de la justice pénale internationale ? La question est fondamentale puisqu’elle renvoie à la légitimité d’une institution qui aura su, voulu, ou non, favoriser l’appareil judiciaire d’un état à pouvoir juger ses criminels par une justice efficace et garante des normes internationales. Il reste deux ans au Tribunal Spécial pour la Sierra Leone pour y répondre.

[1] Reporter, auteur du documentaire radio « Sierra Leone, l’éveil d’une nouvelle justice internationale ? », 2h, Les Forts en thème, Radio Suisse Romande – Espace 2.

[2] Second interim report on the SCSL, « Bringing justice and ensuring lasting peace : Some reflections on the trial phase at the SCSL » by Michelle Staggs, 30 March 2006, U.C Berkeley War Crimes Studies Center.

[3] Pourquoi juger Charles Taylor à La Haye ?, International Justice Tribune, 10 avril 2006.

[4] http://www.un.org/french/docs/sc/2000/res1315f.pdf

[5] http://www.un.org/french/docs/sc/2000/res1315f.pdf

[6] Groupe armé rebelle, proche du AFRC, formé de très jeunes miliciens.

[7] The Guardian, édition électronique, 4 juin 2007.

[8] Ibid.

lundi 25 juin 2007

Obstacles dans la lutte contre l'impunité : expériences tirées de la mise en oeuvre de la Loi colombienne sur la justice et la paix

L'auteur de cet article, Clara Sandoval*, s'est rendue en Colombie en mars 2007 dans le cadre d'une mission de la International Bar Association. Le but de la mission était d'identifier les domaines dans lesquels la mise en oeuvre de la Loi sur la Justice et la Paix (Ley de Justicia y Paz, Ley 975/ 2005) et la lutte contre l'impunité pouvaient être favorisées par un soutien technique. Ces quelques lignes donnent un bref aperçu des problèmes rencontrés.

Tiré du bulletin d'information de TRIAL (été 2007)

En Colombie, il continue de régner une situation de conflit armé à laquelle participent au moins quatre parties différentes, à savoir les FARC, l'ELN, des groupes paramilitaires, ainsi que l'armée colombienne. Des milliers de personnes ont ainsi disparu, été torturées ou assassinées et des millions d'autres ont été chassées de leurs terres. Le président Alvaro Uribe est entré en fonction avec la promesse de mettre fin au conflit et l'une de ses propositions était la démobilisation des troupes paramilitaires. Se posait alors la question pour la société de savoir comment réagir et gérer les crimes commis par les paramilitaires dans le cadre du conflit. La
réponse a été formulée sous la forme d'une loi : la Loi sur la justice et la paix. En vertu de celleci, chaque membre d'un groupe armé qui dépose les armes a la possibilité d'avouer ses crimes.

Dans la mesure où il fournit un témoignage complet et authentique, il reçoit, en fonction de la gravité des faits, une peine allant de 5 à 8 ans, ce qui est considérablement plus clément que les peines prononcées dans le cadre du système ordinaire des sanctions. La loi prévoit en outre l'obligation pour les auteurs d'indemniser leurs victimes de leur propre poche. La loi confère également de nouvelles fonctions à diverses institutions existantes ou nouvellement créées, tels que le Ministère public, l'Ombudsmann, les tribunaux nationaux et la
Commission des réparations. L'Etat a cependant omis d'assurer la mise en oeuvre concrète de ces nouvelles fonctions par l'allocation de ressources à cet effet. Les institutions respectives doivent donc assumer ces compétences supplémentaires dans le cadre de leur budget existant.

Environ 27'569 personnes ont déjà déposé les armes. Parmi ces personnes, 2'812 ont l'intention de faire leurs aveux devant le Ministère public. La division spéciale du Ministère public qui est compétente pour les cas tombant sous le coup de la Loi sur la justice et la paix a été dotée de 21 Procureurs choisis parmi la liste des employés actuellement stationnés à Bogotá, Barranquilla et Medellín. Cela signifie que chaque Procureur est chargé de 133 cas. Il paraît d'ores et déjà douteux que les ressources à disposition puissent suffire à traiter ces cas ; à cela s'ajoute encore le fait qu'en vertu de la loi, le Ministère public ne dispose que de 60 jours à compter des aveux pour instruire l'état de fait avoué.

Depuis décembre 2006, 41 procédures ont été introduites et 51 auditions tenues. Seul un des auteurs, connu sous le pseudonyme de "Loro", est en attente de l'acte d'accusation et du prononcé de la peine alternative par le tribunal compétent au sens de la Loi sur la justice et la paix. Cela signifie que, jusqu'à présent, seules 1.45 % des personnes qui devraient faire l'objet de poursuites pénales doivent effectivement s'attendre à être punies. Mais les problèmes vont au-delà des manques de moyens pour enquêter.

Plus de 41'000 victimes sont, à ce jour, enregistrées auprès du Ministère public. Parmi elles, moins de 5% ont été en mesure de produire tous les documents requis par la loi pour pouvoir assister aux aveux. Le fardeau de la preuve imposé aux victimes - elles doivent prouver leur qualité de victimes et qu'elles ont subi un préjudice - pèse lourd. Les preuves nécessaires sont difficiles à trouver dans un pays dans lequel les crimes sont commis sur des décennies, où la persécution est quotidienne et où les victimes ne disposent même pas de certificat de naissance ou de carte d'identité. Ces obstacles, auxquels doivent faire face les victimes afin de pouvoir prendre partie à la procédure, représentent un déni de justice et empêchent la reconstitution des événements et des faits.

Plus grave encore : les victimes autorisées à participer à la procédure ne bénéficient d'aucun programme de protection. En février dernier, Yolanda Izquierdo a été assassinée à Monteria et ce, bien qu'elle ait instamment demandé à être mise sous protection. Elle avait participé en qualité de victime à l'audition de Mancuso, l'un des chefs de file des paramilitaires et contre lequel plus de 4'000 plaintes ont été déposées. Cela démontre que l'Etat a négligé de mettre en place un système efficace de protection des témoins, victimes, ou auxiliaires de la justice.

On peut également relever que, par exemple, les fosses communes ne sont pas toujours exhumées par des personnes qualifiées et la mise en sûreté des moyens de preuve est souvent négligée. L'indentification des corps n'aboutit que rarement. D'après le Ministère public, 704 cadavres ont été exhumés entre mars 2006 et mai 2007, dont seulement 47 ont pu être identifiés. Qui plus est, beaucoup des corps retrouvés "disparaissent" à nouveau, parce que, après une tentative d'identification infructueuse, ils sont réenterrés dans des tombes anonymes.

Bien que des anthropologues qualifiés soient présents lors de l'exhumation, leur nombre est bien trop restreint pour pouvoir se charger du nombre élevé des victimes. Il serait nécessaire d'avoir un programme global pour l'exhumation systématique des victimes du conflit et la mise à disposition des outils adéquats des personnes en charge. Par ailleurs, les familles des victimes doivent davantage être mises à contribution dans l'identification de leurs proches assassinés.

Il est également nécessaire d'uniformiser et centraliser le traitement des informations concernant les personnes absentes ou " disparues ". Pour l'heure, différentes institutions se chargent de cette tâche. Elles suivent toutefois des directives différentes, ce qui rend difficile de déterminer si et dans quelles circonstances une personne a disparu. L'absence de ce genre d'informations constitue un obstacle à l'exhumation et à l'identification des victimes.

Ce ne sont que quelques-uns des exemples des obstacles qui rendent plus difficile la lutte contre l'impunité en Colombie. Cela montre bien que des changements sont nécessaires dans différents domaines afin de réduire de manière conséquente l'impunité, de traduire les auteurs de crimes devant les tribunaux et d'assurer que les victimes soient prises au sérieux.

* Chargée de cours - co-directrice du programme LL.M. in International Human Rights Law, Essex University.

dimanche 24 juin 2007

Bosnie: au moins 100'000 morts durant la guerre


L'article ci-dessous - en anglais - est tiré du site de Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), une structure qui suit de très près l'ensemble des procédures pour crimes de guerre se déroulant actuellement en Bosnie, essentiellement devant la Cour d'Etat.

Cette intéressante contribution revient sur le travail d'une association, le Research and Documentation Center de Sarajevo, pour tenter d'évaluer le nombre exact de victimes de la guerre, et de rendre justice non seulement à ces dernières, mais à la vérité historique.

L'original de l'article se trouve sous: www.bim.ba/en/68/10/3361/

On peut s'inscrire pour recevoir chaque semaine les articles que BIRN publie sur les procédures en cours. Le service s'appelle Justice Report. Inscriptions ici.

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Bosnia's Book of the Dead

Nidzara Ahmetasevic, Sarajevo

20 June 2007
Twelve years after the war ended, Bosnia and Herzegovina is getting close to ascertaining the total number of those who died.

Almost four years since work began on the Population Loss Project 1991-1995, the Research and Documentation Centre (RDC) will present the Bosnian Book of the Dead in Sarajevo on Thursday, 21 June.

Justice Report can reveal that, as of the end of June 2007, the book contained 97,207 names of Bosnia and Herzegovina's citizens representing victims of war.

The rich database classifies war victims by status, ethnic affiliation, gender, age and so on.

Although analysts consider that the database will reduce the possibility that the numbers of war victims could be manipulated for political reasons, they, at the same time, warn that the database is still not complete.

In any case, a brisk discussion is expected in Bosnia in Herzegovina about the possible ways of using the data for the determination of truth and for reconciliation.

Mirsad Tokaca, RDC president, has said that the aim of the project was to identify each single victim and prevent any type of manipulation of numbers, which he considers to have been existing for years.

"This is not a story about numbers, but about citizens who died during the past period," Tokaca told Justice Report.

Three international experts - Patrick Ball, Ewa Tabeau and Philip Verwimp - all with rich experience in similar projects, have reviewed the database and have assessed it favourably.

"This database represents an extraordinary achievement of all those who were involved in its preparation," the experts have said, adding that some improvements are still possible.

The trio considers that the data collected by RDC gives a "good overview of war happenings related to victims and the way the individuals died".

Verwimp, a researcher in the field of political economy in developing and post-war countries, human rights and genocide, warns that the RDC database does not mean that work on determining the number of war victims in BiH is over.

"Many consider the number of 97,207 as the overall total of victims of the 1992-1995 war in Bosnia, which is not correct. For several reasons, this number should be seen as an approximation of a minimum and not as a complete total," he told Justice Report.

Tabeau believes that the information from the database can be an efficient tool for fighting myths about the war.

"These results might be an extremely efficient tool in fighting myths, but only if there is a will in the society to deal with their past in terms of facts, not myths," said Tabeau, who worked as a project manager in the demographic unit of the Hague tribunal's prosecution office. In this role, she studied the demographic consequences of conflicts in the former Yugoslavia, with a main focus on the number of victims during the war in this region.

However, even though more than 90,000 names have been included in the database, the RDC does not consider that its work on the project has been concluded.

"The database remains open and whoever contacts us and offers new data we are willing to consider it and add new names," said the RDC's Tokaca.

Playing with numbers

Similar databases exist in several post-war countries. In 1999, research was undertaken to determine the exact number of victims in Rwanda, Kibuye province, and the project was called Victims of Genocide in Kibuye.

Similar efforts have been undertaken in Northern Ireland in 2000, in South Africa within a Report of the Truth and Reconciliation Commission, in El Salvador in 1997 and in Guatemala by Commission for Historical Clarification in 1998.

Justice Report has found out that similar databases might soon be available in Serbia, Croatia and Kosovo, where work is already being done along the same lines as those applied in BiH.

Twelve years after signing of the Dayton Peace Accord, the exact number of victims of the three and a half year-long war in Bosnia and Herzegovina has still not been determined. During the war, local authorities in Sarajevo publicly mentioned, on several occasions, that about 200,000 people had been killed.

Up to now, this estimate is the one mentioned most frequently by the domestic and international public, although it has been denied by various parties on several occasions. However, it is not the only estimate we have. Thus, estimations varied from 25,000 to 250,000.

According to Tokaca, this "playing with numbers" was the main reason why the RDC decided to collect details and names of victims.

It is significant that local authorities have not done much to help the research, although they did not try to prevent it. Instead, the Book of the Dead has been compiled with support from foreign governments, mainly those in Norway and Switzerland.

The research itself started in 2004. More than 240,000 pieces of data have been collected, processed, checked and compared in order to get the final number of more than 96,000 of names of victims, belonging to all nationalities.

"We are not publishing the number but rather the names of BiH citizens who died in the period from 1991 to 1995. Our intention is to stop talking about numbers and start talking about people," Tokaca has said and added that the IDC, while researching the population loss, registered all BiH citizens who were killed or disappeared due to direct military actions or were murdered in detention centres.

"This group comprises of soldiers and civilians. What is important to us is the that the total number has its structure, a range of details and explanations. For almost every case, we explained the time and geographic dimension of death, distance from place of residence to place of death, formation in which soldiers were," the president of RDC Sarajevo explains.

RDC data indicates that, out of the total number of victims, 57,523 were soldiers and 39,684 civilians. The total number also includes names of 3,372 children who died during the war.

According to this data, 89 per cent of victims were men and ten per cent were women. Most victims were aged 25 to 35.

In terms of ethnicity, 65.88 per cent were Bosniaks (64,036), Serbs 25.62 per cent (24,906), Croats 8.01 per cent (7,788) and others 0.49 per cent (478).

The research was done in several ways. Most pieces of information were collected through direct contact with witnesses, families of victims, through newspaper articles, various registers and also by visiting of cemeteries. Tokaca says that his researchers have visited more than 400 cemeteries in order to collect names of victims.

It is interesting that the database also contains 512 names of BiH citizens who died in Slovenia and Croatia during 1991. Tokaca says that most of them were members of the Yugoslav People's Army. In addition, the names of 16 persons - who were wounded during the war and died in 1996 from their wounds - have also been registered.

"According to available data, the highest number of victims - more than 30 per cent of the total number (28,666) - died in Podrinje, and the second highest number (14,656) perished in Sarajevo," Tokaca explained.

In addition to the names of victims, many other indicators about the war in BiH can be derived from the database. It is therefore obvious that most civilian victims - 45,110 - died in the period May to August 1992.

"Srebrenica was just a finishing act," says the president of the IDC, adding that the centre's data suggests that 6,886 people were killed in the July 1995 massacre.

Shortfalls and instructions

Although they consider the database to be of great importance and the biggest one referring to the war in BiH, Ball, Verwimp and Tabeau have pointed to certain shortfalls that can be corrected.

Evaluators have noticed that there were no standardised documents used in the collection of data which can "possibly be one of the reasons for some errors in the database".

"Although this database is the biggest one ever compiled on victims of war in BiH, it should not be used as the only source of information, but it should be complemented with other sources. Only this way, we can prevent creation of biased statistics and an historically incorrect image about the war in BiH, and [prevent the general public from being misinformed]," the evaluation concludes.

The three experts consider the errors they have discovered to be minor, and claim that most mistakes are actually not caused by problems in the database but rather in the information provided, i.e. they are caused by non-existence of reliable data or its parts.

In any case, the evaluation has come to an important conclusion - that the research has been done with no ethnic partiality.

Ball, Tabeau and Verwimp identified a lack of data in some cases as the first problem in the IDC database.

"About 85 per cent of cases are relatively complete (82,257) while 15 per cent are less complete (14,638). The data on civilians is less complete than data on soldiers," they indicate in the conclusion.

Explaining the terms complete and less complete, Verwimp has said that data on dates of birth and death are missing in case of some victims.

Probably the biggest problem in the database is how to define the status of victims. For RDC researchers, the only possible way was to rely on existing official registers, mostly military. According to available data, 40 per cent of war victims in BiH were civilians and 60 per cent were soldiers or members of police forces.

Tokaca explains that he is aware of this shortfall. However, he says that the existing registers are unreliable.

During and after the war, many families asked that their family members be buried as soldiers, for various reasons, although they died as civilians or as soldiers away from front lines. The most common reason for these requests was access to social support for families of killed soldiers.

When registering such cases, RDC was governed by the official data that was available.

The evaluation indicates that such practices lead to over-reporting of soldiers and under-reporting of civilians.

"It is important to emphasise that "status in war" does not provide correct insights in relation to victims of combat versus non-combat situations, neither does it inform about legitimate victims of violations of the International Humanitarian Law (IHL)," the evaluators say.

"Status in war is a simple measure of whether or not a person was a member of a military/police formation at the time of death, or generally was a defender, or a civilian. As such it offers a good basis for a further more specific investigation into this issue. We therefore advise that this part be improved," it is said.

Facing the past

For many, the true value of this database is that all who want to can search for the names of family members and friends who were lost in the war. This way, they can find the date and place of death, and the circumstances in which the person died.

Experts consider that the database can be a valuable source of information for people who study the war in BiH, but it can also be used as a relevant source in court processes, both before domestic and international courts. However, Tabeau notes that it cannot be used at every stage of the legal process.

"The Bosnian Book of the Dead can be used at certain stages of investigations. It is premature to speak of many other purposes of the database, such as using it for purposes of evidence where detailed information records about victims and perpetrators are required, and without supporting it with additional sources of data," Tabeau told Justice Report.

She thinks that the database is important for fighting myths and demystification of various wrong statements about the war.

"The education of the entire society regarding the past is improved," she said. "One more advantage is that young researchers can learn from this project and apply this knowledge in the future."

Nidzara Ahmetasevic is BIRN - Justice Report editor in Sarajevo. nidzara@birn.eu.com

mercredi 13 juin 2007

Cambodge: le tribunal pour juger les Khmers rouges enfin opérationnel


AFP - 13 juin 2007

Les magistrats cambodgiens et internationaux du tribunal qui doit se pencher sur le génocide imputé aux Khmers rouges ont finalement adopté mercredi le règlement intérieur de la cour après de longs mois de tractations marquées parfois par des tensions.

L'approbation à l'unanimité de ces règles de fonctionnement (une centaine au total) rend enfin opérationnel le tribunal, parrainé par l'ONU, qui a pris du retard en vue de juger des responsables des crimes les plus graves commis sous le régime ultra-maoïste de Pol Pot (près de deux millions de morts entre 1975 et 1979).

"Ces règles garantiront des procès justes et transparents", a déclaré à la presse le Canadien Robert Petit, co-procureur du tribunal, ajoutant: "Nous pouvons désormais avancer".

Les discussions entre magistrats cambodgiens et étrangers (quatre sessions depuis novembre) ont été marquées par des tensions, notamment en février-mars, qui ont alimenté de nouveaux doutes quant à la volonté des autorités de Phnom Penh de voir des procès équitables se tenir rapidement, alors que les personnes susceptibles d'être jugées sont de plus en plus âgées.
Les multiples frictions entre magistrats cambodgiens et internationaux ont porté sur des questions complexes de procédure, alors qu'il fallait marier le fragile système judiciaire cambodgien aux normes internationales.

Au début du printemps, des juges étrangers avaient évoqué un possible retrait lorsque le barreau cambodgien avait cherché à imposer des frais élevés d'enregistrement pour les avocats étrangers désireux de participer au processus. Un accord avait été annoncé fin avril.

Parmi les derniers litiges réglés figurent tous les mécanismes liés aux droits des suspects. Richard Rogers, du bureau de la défense, a estimé que le règlement intérieur "comprend tous les droits fondamentaux dont les accusés ont besoin pour se défendre dans le cadre d'un procès équitable".

Le gouvernement de Phnom Penh, qui compte d'anciens commandants Khmers rouges, a salué l'accord de mercredi.

"Une autre fondation importante a été établie", a déclaré le vice-Premier ministre Sok An. "Notre plus grand objectif est d'apporter la justice aux victimes, à l'ensemble du peuple cambodgien", a-t-il ajouté en espérant que la communauté internationale continuera à financer le tribunal.

Le premier procès devait normalement s'ouvrir cette année mais il est peu probable qu'il puisse se tenir avant début 2008, ont précisé des responsables du tribunal.

L'adoption du règlement intérieur permet toutefois aux procureurs de transmettre leurs premiers documents aux juges d'instruction. M. Petit a refusé de divulguer le nombre de dossiers en préparation et l'identité des éventuels suspects.

Les juges cambodgiens et étrangers du tribunal avaient prêté serment en juillet 2006 après huit ans de négociations entre Phnom Penh et les Nations unies. Au total, le tribunal, qui dispose d'un budget de 56 millions de dollars, compte 29 magistrats.

"Nous sommes déterminés à mener à bien ces procédures dans les meilleurs délais, tout en respectant les exigences de la justice", ont indiqué mercredi les juges dans un communiqué.
Près de deux millions de personnes ont trouvé la mort sous le régime des Khmers rouges qui, au nom d'une idéologie mêlant communisme et nationalisme, a fait régner la terreur au Cambodge, vidant les villes au profit des campagnes, imposant le travail forcé et éliminant systématiquement tout opposant.

Pol Pot est décédé en 1998 et, à ce jour, seul un ancien responsable Khmer rouge, surnommé "Duch", est emprisonné. Un redoutable commandant militaire, Ta Mok, est mort en prison en 2006 à l'âge de 80 ans. D'autres anciens cadres du régime vivent librement au Cambodge.

La mort pour Ali le Chimique?

C'est le 24 juin 2007 que le Haut Tribunal irakien rendra son verdict concernant Ali Hassan al-Majid, alias Ali le Chimique, et ses cinq coaccusés.

Il est attendu que, à l'instar de Saddam Hussein et de trois autres accusés d'un précédent procès, la peine de mort soit prononcée contre celui qui est généralement reconnu comme le responsable de la campagne Anfal, durant laquelle des milliers de Kurdes ont été tués en 1988, notamment lors du gazage de la ville martyre de Halabjah.

Les autres co-accusés (Hashem Ahmed, Sabir Abdul-Aziz al-Duri, Huessin Rashid al-Tikriti, Tahir Tawfiq al-Ani, Farhan Mutlak al-Jubouri) sont inculpés de crimes de guerre (sauf Tahir Tawfiq al-Ani) et crimes contre l'humanité.

Saddam Hussein, également inculpé dans ce procès, a déjà été exécuté.

Verdict le 24 juin 2007.

Plus de détail sous: www.trial-ch.org/fr/trial-watch/profil/db/facts/
ali_hassan-al-majid-al-tikriti_63.html

vendredi 1 juin 2007

Le "Tribunal Hariri" en Suisse?



Bon, d'accord, la question n'est pas concrètement d'actualité.

Mais à la lecture de la résolution 1757 du Conseil de sécurité, du 30 mai 2007, on peut s'interroger.

En effet, à l'art. 8 de l'Annexe à cette résolution, on lit ceci:

1. Le Tribunal spécial siège hors du Liban. Le choix du siège tiendra dûment compte des considérations de justice, d’équité et d’efficacité en matière sécuritaire et administrative, notamment des droits des victimes et de l’accès aux témoins, et sera subordonné à la conclusion d’un accord de siège entre l’Organisation des Nations Unies, le Gouvernement et l’État d’accueil du Tribunal.
Selon cette disposition, on peut aisément prétendre que Genève, certainement plus que Damas, Istanbul ou Le Caire, remplirait ces conditions. Avec l'avantage d'offrir un terrain neutre que Paris, New York ou Londres ne peuvent garantir, et une proximité à l'ONU indéniable.

Les paris sont lancés. Réponse dans les semaines ou les mois à venir.

mardi 29 mai 2007

Note de lecture: Urgence Darfour

Un peu de pub pour un ouvrage important, concernant un enjeu majeur.

A lire, et ensuite: s'engager!


Urgence Darfour
Sous la direction de Morad El Hattab

21 €
25 Mai 2007
Droit de citer
140x205
288 pages
Documents / Actualité

Morad ELHATTAB est écrivain et philosophe. Héritier d’Averroès, d’Omar Khayyâm, de Rûmi, mais aussi de Montaigne, il affirme avec véhémence un profil d’humaniste irréductible.

Influencée par l'éthique du philosophe Emmanuel Levinas, sa pensée est profondément ancrée dans le respect de la dignité humaine et la recherche de la vérité. Il mène un combat résolu pour la reconnaissance de la souffrance humaine et appartient au collectif Urgence Darfour, créé à l’initiative de huit associations et bénéficiant du soutien de plus de 150 associations françaises, dont SOS Racisme et la LICRA, et de 500 personnalités.

Un ouvrage comprenant plusieurs contributions de personnalités du collectif "Urgence Darfour" qui mène le combat de lutter contre le silence qui entoure « le premier génocide du XXIème siècle » dans cette région du Soudan. Depuis février 2003, ce conflit « oublié » a fait de 180'000 à 300'000 morts, il s'agit d'une guerre civile qui oppose le régime islamiste de Khartoum allié à des milices arabes, à des groupes rebelles issus de la population noire locale. Comme le souligne Jacky Mamou, président du collectif et ancien dirigeant deMédecins duMonde, « au Darfour, il y a plein de gens, plein d'ONG qui y sont allés et qui ont essayé de raconter ce qu'ils ont vu. Mais ça ne passe pas, l'indifférence demeure ». Pourtant Kofi Annan, l’ex-secrétaire général des Nations Unies, a déclaré que « le Darfour, c'est l'enfer sur terre ».

Pour lutter contre « le silence qui couvre la poursuite des massacres » et contre « l'inaction générale », les personnalités du collectif « Urgence Darfour » ont donc décidé de signer cet ouvrage en apportant leurs visions de la situation et des solutions envisageables.

Avec notamment les contributions de JACKY MAMOU (président du collectif et ancien dirigeant de Médecins du Monde), BERNARD-HENRI LÉVY (écrivain, cinéaste et éditorialiste), GÉRARD PRUNIER (historien et chercheur au CNRS, spécialiste du Soudan et de l’Afrique de l’Est), JACQUES JULLIARD (écrivain, historien et éditorialiste au Nouvel Observateur), PIERRE LELLOUCHE (député et conseiller de Paris), BERNARD KOUCHNER (ministre des affaires étrangères, Créateur de Médecins sans Frontières), DOMINIQUE SOPO (Président de Sos Racisme), ANDRÉ GLUCKSMANN(philosophe engagé dans de nombreux combats, écrivain) et PHILIPPE VAL (Chroniqueur à France Inter, créateur du nouveau « Charlie Hebdo », intervenant sur France Culture et I-Télé, écrivain).

Un document inédit signé par de très grandes personnalités d’horizons divers mais se battant pour la même cause. Un document qui lève le voile sur un drame humanitaire encore très peu connu et reconnu.

Tous publics.

Un sujet dont on parle peu mais néanmoins de plus en plus car il commence à attirer l’attention de l’opinion publique.

Une des prochaines grandes causes humanitaires à soutenir.

mercredi 23 mai 2007

Note de lecture - Yves Beigbeder: Judging War Crimes And Torture: French Justice And International Criminal Tribunals And Commissions (1940-2005)


Un livre sur les politiques françaises face à la justice pour crimes de guerre et torture. A priori, drôle d'idée que de l'écrire en anglais.

L'auteur y retrace la position de la France face à plusieurs contextes: Indochine, Algérie, l'Allemagne nazie et la collaboration, et plus tard le Rwanda ou encore l'ex-Yougoslavie. En 380 pages, difficle d'entrer dans le détail de toutes ces problématiques. Le livre s'adresse donc essentiellement à un public non Français.

Il n'en reste pas moins que l'ouvrage de Beigbeder est de belle facture. Sans complaisance avec la justice de son pays - et avec l'attitude des autorités politiques face à l'exigence de justice suite à des crimes de guerre ou de torture commis par ou soutenus par la France -, Beigbeder retrace certaines des pages sombres du passé colonial français et l'attitude parfois schyzophrénique des décideurs français dans le contexte du Rwanda surtout, de l'ex-Yougoslavie également.

Très instructif, donc. Un gros regret toutefois: le prix du bouquin (125 euros!). A part les bibliothèques de quelques facultés de droit, on ne sait pas trop qui va se payer un tel ouvrage.

Judging War Crimes and Torture
French Justice and International Criminal Tribunals and Commissions (1940-2005)

Yves Beigbeder
Martius Nihjohff 2006 380 pages


Le Tribunal fédéral suisse rejette une action de TRIAL et refuse à une victime de torture le droit d’obtenir justice

Genève, le 22 mai 2007. En audience publique ce matin, le Tribunal fédéral a refusé de reconnaître le droit pour un réfugié statutaire vivant en Suisse de demander à son tortionnaire réparation pour des actes de tortures subis en Tunisie. Pour TRIAL (Association suisse contre l’impunité), qui a soutenu la démarche de la victime depuis le début, le Tribunal fédéral a commis un regrettable déni de justice. L’affaire sera portée à la Cour européenne des droits de l’homme.

Par 4 voix contre 1, le Tribunal fédéral a rendu ce jour une décision de principe d’une grande importance pour les victimes de torture vivant en Suisse.

En substance, le Tribunal fédéral rejette la demande d’une victime de torture de nationalité tunisienne vivant en Suisse depuis des années, au motif que les tribunaux suisses n’ont pas à s’occuper de telles affaires, faute d’un lien suffisant avec la Suisse.

Cette décision ferme la porte des tribunaux suisses à de nombreuses victimes de torture réfugiées en Suisse.

L’affaire

Le 8 juillet 2004, Abdennacer NAÏT-LIMAN, soutenu par TRIAL (Track Impunity Always, association suisse contre l’impunité), a déposé une demande en dommages et intérêts contre Abdallah KALLEL, ancien ministre de l’intérieur, et contre la République de Tunisie devant le Tribunal de première instance de Genève, lieu de son domicile. M. NAÏT-LIMAN exposait avoir subi des actes de torture en Tunisie, du 22 avril au 1er juin 1992, durant une garde à vue de 40 jours dans les locaux mêmes du Ministère de l’intérieur et sur les instructions d’Abdallah KALLEL à ses subordonnés.

La victime de torture se basait notamment sur le for de nécessité de l’art. 3 LDIP pour agir à Genève. En première instance, le Tribunal s’est toutefois déclaré incompétent à raison du lieu. Abdennacer NAÏT-LIMAN a alors interjeté appel devant la Cour de justice. Dans un arrêt daté du 15 septembre 2006, celle-ci a laissé ouverte la question de savoir s’il existait un for de nécessité au sens de l’art. 3 LDIP, mais a confirmé la décision de première instance au motif que les défendeurs bénéficiaient d’une immunité de juridiction. Contre cette décision, Abdennacer NAÏT-LIMAN a recouru devant le Tribunal fédéral le 20 octobre 2006.

L’arrêt du Tribunal fédéral

Dans sa délibération de ce jour, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de l’immunité des Etats et des dirigeants étrangers pour des actes de torture, constitutifs de crimes définis par le droit international.

Les juges de Lausanne ont indiqué que même si l’affaire ne semblait effectivement pas pouvoir être introduite en Tunisie, faute pour ce pays de disposer d’un système judiciaire indépendant, l’affaire ne présentait pas un lien suffisant avec la Suisse pour que les tribunaux de ce pays puissent s’estimer compétents. Le Tribunal fédéral n’a pas indiqué quel autre pays pourrait en conséquence être compétent pour trancher la demande en dommages et intérêts de M. NAÏT-LIMAN.

Cet arrêt constitue une atteinte grave aux droits des victimes de torture d’obtenir réparation de la part de leurs tortionnaires. Selon l’organisation non gouvernementale TRIAL, la décision du Tribunal fédéral n’est pas en phase avec les développements récents du droit international. Elle prive non seulement M. NAÏT-LIMAN, mais également toutes les autres victimes de torture vivant en Suisse de leur droit élémentaire à obtenir justice.

Pour Me François MEMBREZ, vice-président de TRIAL et avocat de M. NAÏT-LIMAN, « le Tribunal fédéral a fait preuve de juridisme étroit en rendant une décision qui prive une victime d’actes de torture graves de son droit légitime d’obtenir réparation ».

Soutenu par TRIAL, M. NAÏT-LIMAN saisira la Cour européenne des droits de l’homme.

Les considérants de l’arrêt de ce jour seront publiés ultérieurement.

Pour plus d’informations :

>> Voir aussi sur le site de TRIAL la demande en réparation contre Abdallah Kallel et la Tunisie

>> Voir également la plainte pénale déposée contre Abdallah Kallel en Suisse le 14 février 2001.

mardi 22 mai 2007

Mme Habyarimana bientôt devant la justice française?

On a appris la semaine passée que la veuve de l'ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, Agathe de son prénom, allait peut-être être visée par la justice française, pour sa participation dans le génocide de 1994.

Le parquet d'Evry a ainsi ouvert une information judiciaire pour "complicité de génocide et de crime contre l'humanité", après une plainte mi-février dirigée contre Agathe Habyarimana, a-t-on appris de source judiciaire.

Le 13 février, le collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association formée en 2001, avait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre cette dernière.

Les plaignants estiment que Mme Habyarimana, qui réside actuellement en France dans l'Essonne, doit être jugée pour sa participation présumée au génocide rwandais en 1994.

C'est l'occasion de rappeler que la France, qui hébèrge de nombreux suspects de génocide, traine manifestement les pieds. Aucun procès ne s'y est encore tenu. Pire, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour sa lenteur à juger Wenceslas Munyeshyaka.

Les pommes de discorde sont effectivement nombreuses. La dernière en date: Kigali accuse la France d'avoir hébergé Dominique Ntawukuriryayo, dont le TPIR vient de rendre public l'acte d'accusation il y a quelques semaines. Ntawukuriryayo aurait alors disparu.

Alors que le Canada juge actuellement Désiré Munyaneza, et que le procès de Bernard Ntuyahaga est en cours en Belgique, la France ne fait toujours pas face, y compris judiciairement, à son passé trouble au Rwanda

vendredi 11 mai 2007

Cible CPI: l'Indonésie


Ce mois, la Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI) propose de cibler sa campagne de ratification sur l'Indonésie.

Peu de pays asiatiques ont en effet ratifié le Statut de Rome de la CPI: l'Afghanistan, le Cambodge, la Mongolie, la République de Corée et le Timor oriental. C'est tout.

La CCPI propose à ses organisations membres et à toute personne intéressée d'écrire au Ministre des affaires étrangères une lettre priant l'Indonésie de tenir son engagement d'adhérer à la CPI d'ici à 2008.

Voir le communiqué de presse de la CCPI ici (pdf).

Plus d'informations sous: http://www.iccnow.org/?mod=urc0507&lang=fr

Ci-dessous l'extrait tiré du site de la CCPI concernant l'action du mois du mai sur l'Indonésie:

L'Asie reste fortement sous représentée à la CPI avec seulement 5 Etats parties : Afghanistan, Cambodge, Mongolie, République de Corée et le Timor oriental. Une plus grande participation de l'Asie est donc essentielle pour assurer que la CPI devienne une véritable institution internationale représentant les diverses cultures légales du monde entier. En 2004, le Plan d'action des droits de l'homme d'Indonésie a fixé à 2008 la date d'adhésion au Statut de Rome. Les groupes de la société civile et les parlementaires ont depuis travaillé pour assurer que ce calendrier soit maintenu. L'adhésion au Statut de Rome par l'Indonésie devrait générer un effet important dans la région, particulièrement auprès des autres Etats de l'ASEAN. Du 7 au 9 mai, la CCPI a organisé sa rencontre régionale asiatique 2007 à Jakarta en Indonésie en coopération avec le Forum asiatique et les partenaires nationaux IKOHI et ELSAM. Plus de 20 membres de la CCPI de 16 pays d'Asie se sont réunis pour faire part de leurs stratégies, définir et établir des objectifs de campagnes de ratification et de mise en oeuvre du Statut de Rome dans la région. Une délégation composée de plusieurs organisations participant à la session stratégique ont rencontré des représentants du Ministère des Affaires étrangères, de l'Assemblée nationale et du Ministère de la Justice et des Droits de l'homme, qui ont tous réaffirmé l'engagement du gouvernement à procéder au processus d'adhésion. Plus de la moitié des pays du monde ont ratifié le Statut de Rome, qui est entré en vigueur en juillet 2002 et compte désormais 104 Etats parties ayant adhéré ou ratifié le traité. L'adhésion de l'Indonésie au traité renforcerait la représentation asiatique au sein de la Cour et aiderait la région à mieux se faire entendre sur le plan de la justice internationale, permettant ainsi à la CPI de devenir un mécanisme de justice et de paix véritablement efficace.

jeudi 10 mai 2007

Crimes de guerre en Irak: peine alourdie à 17 ans pour un Néerlandais

Chapeau bas aux Pays-Bas!

Les Hollandais ont une longueur d'avance sur tous les autres. Non seulement ils mettent en oeuvre le principe de compétence universelle en jugeant des criminels étrangers ayant commis leurs atrocités à l'étranger. Mais ils jugent également leurs propres ressortissants impliqués dans des crimes de guerre commis à l'étranger.

Frans Van Anraat vient d'être condamné en appel à 17 ans de prison pour complicité de crime de guerre en Irak

Guus Van Kouwenhoven l'a également été pour avoir fourni des armes au Libéria de Charles Taylor. Son procès en appel doit bientôt se tenir.

Quand est-ce que d'autres pays, dont la Suisse, suivront cet exemple?

L'équipe de TRIAL


Crimes de guerre en Irak: peine alourdie à 17 ans pour un Néerlandais

LA HAYE - Un négociant en produits chimiques néerlandais, Frans Van Anraat, a vu sa peine alourdie mercredi de 15 à 17 ans en appel pour complicité de crimes de guerre en Irak, a indiqué la Cour d'appel à l'AFP.

En première instance en décembre 2005, M. van Anraat, 65 ans, avait été condamné à 15 années de prison, pour avoir livré, entre 1985 et 1989, des ingrédients ayant permis la production d'armes chimiques, dont le gaz moutarde, utilisé contre les populations kurdes d'Irak.

En première instance, les juges avaient estimé que l'accusé "ne pouvait pas ignorer" que les produits chimiques qu'il vendait au régime de l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein allaient servir à fabriquer des armes chimiques.

Mais la Cour a été plus loin que le jugement en première instance, estimant l'accusé coupable d'avoir, "d'une manière répétée", été complice de crimes de guerre, une circonstance aggravante.

Les gaz élaborés à partir de ces produits furent utilisé à grande échelle lors du massacre de Kurdes à Halabja (nord-ouest de l'Irak), qui a fait quelque 5.000 morts en une journée en 1988.

Les deux parties avaient fait appel.

Si sa peine a été augmentée, il s'agit pourtant d'un échec pour le procureur qui l'accusait également de complicité de génocide. Comme les juges en première instance, la Cour a estimé que son intention génocidaire n'est pas prouvée.

Visé par une enquête américaine, Frans van Anraat avait été arrêté en 1989 en Italie, puis avait fui vers l'Irak où il était resté jusqu'à l'attaque de la coalition conduite par les Etats-Unis en 2003, date à laquelle il s'était réfugié aux Pays-Bas.

Il y avait été arrêté le 7 décembre 2004 et est détenu depuis lors.

Les Etats-Unis ont renoncé en 2000 à leur demande d'extradition, sans explication. De leur côté, les autorités néerlandaises n'avaient pas de raisons de l'arrêter jusqu'à ce qu'il soit accusé de génocide.

La justice néerlandaise pouvait poursuivre M. Van Anraat pour génocide commis en Irak, après un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle en matière de crimes de guerre et de génocide, dès lors que les accusés résident aux Pays-Bas.

mercredi 9 mai 2007

Le juge Claude Jorda démissionne de la CPI pour raisons de santé

Selon cette dépêche de l'AFP, le juge Claude Jorda a donné sa démission pour raisons de santé. Une dizaine de bénévoles de TRIAL avait rencontré le juge Jorda en 2005 à La Haye.

Nous lui transmettons par la présente tous nos encouragements.

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Le juge Claude Jorda démissionne de la CPI pour raisons de santé

LA HAYE - Claude Jorda, le juge français de la Cour pénale internationale (CPI) et ancien président du Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, quittera ses fonctions le 12 août pour des raisons de santé, a indiqué la CPI mardi.

"Le Juge Claude Jorda a soumis sa démission de ses fonctions au sein de la Cour pénale internationale en raison d'un mauvais état de santé permanent. Sa démission prendra effet le 12 août 2007", dit la CPI dans un communiqué.

Conformément au Statut de Rome, l'Assemblée des Etats Parties devra élire un nouveau juge pour le remplacer, indique la CPI.

Agé de 69 ans, Claude Jorda a fait une grande partie de sa carrière dans la magistrature française où il a occupé plusieurs postes clés.

Il a été nommé en 1994 juge au TPI et a participé à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la plupart des procédures en cours au TPI.

Il a été élu président du TPI en novembre 1999.

Sa présidence a été marquée par l'élaboration et la mise en oeuvre de plusieurs réformes destinées à accélérer les procédures au TPI, alors que les délais s'allongeaient et risquaient d'engorger les chambres.

Il a obtenu la création par les Nations unies de 27 postes de juges supplémentaires, dit "ad litem", des magistrats qui se rendent à La Haye lorsque les procès sont prêts à être jugés.

Autre point fort de sa présidence, le transfèrement de l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, dont le procès s'est ouvert en février 2002 avant d'être interrompu par la mort de l'accusé, en mars 2006.

Lors de sa présidence, M. Jorda avait plusieurs fois appelé à l'arrestation de tous les accusés du TPI, mais à ce jour, les deux principaux responsables du génocide de Srebrenica (près de 8.000 hommes de la population musulmane massacrés par les forces serbes de Bosnie en juillet 1995) courent toujours.

La charge de président du Tribunal impliquant la présidence de la Cour d'appel du TPI qui est commune avec celle du TPIR (Tribunal pénal pour le Rwanda), c'est lui qui a prononcé la condamnation définitive à la prison à vie de l'ancien Premier ministre rwandais Jean Kambanda en octobre 2000.

En tant que membre du TPI, M. Jorda a soutenu l'idée de jugements par contumace. Mais ce principe, auquel s'opposent de nombreux juristes anglo-saxons, n'a finalement jamais été adopté par le Tribunal.

M. Jorda est devenu juge de la CPI en février 2003 où il est membre de la Chambre préliminaire.

A ce titre, il a présidé les audiences préliminaires consacrées au chef de milice congolais (RDC) Thomas Lubanga Dyilo. Les juges avaient confirmé en janvier dernier les charges pesant contre lui, ouvrant la voie à son procès.